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Le choix des éditeursLiberté de religion, il y a quelque chose de pourri dans l'esprit des Français

Liberté de religion, il y a quelque chose de pourri dans l'esprit des Français

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Juan Sánchez Gil
Juan Sánchez Gil
Juan Sanchez Gil - à The European Times Nouvelles - Principalement dans les lignes arrières. Reportage sur les questions d'éthique d'entreprise, sociale et gouvernementale en Europe et à l'international, avec un accent sur les droits fondamentaux. Donner également la parole à ceux qui ne sont pas écoutés par les médias généralistes.

En France, le Sénat travaille sur un projet de loi visant à « renforcer la lutte contre les dérives sectaires », mais son contenu semble poser de sérieux problèmes aux experts en liberté de religion ou de conviction et aux spécialistes des religions.

Le 15 novembre, le Conseil des ministres de la République française a adressé un projet de loi au Sénat visant à « renforcer la lutte contre les dérives sectaires ». Le projet de loi sera débattu et voté au Sénat français le 19 décembre puis envoyé à l'Assemblée nationale pour examen avant vote final.

Bien sûr, « lutter contre les dérives sectaires » semblerait tout à fait légitime, si quelqu’un pouvait proposer une définition légale et précise de la « dérive sectaire » ou même de la « secte ». Cependant, outre le titre du projet de loi, c'est son contenu qui semble très problématique aux yeux des experts de la liberté de religion ou de conviction et des universitaires des religions.

Son article 1 vise à créer un nouveau délit défini comme « le fait de placer ou de maintenir une personne dans un état de sujétion psychologique ou physique résultant de l'exercice direct de pressions graves ou réitérées ou de techniques susceptibles d'altérer son jugement et ayant pour effet de causer une altération grave de sa santé physique ou mentale ou de conduire cette personne à un acte ou à une abstention qui lui sont gravement préjudiciables ». Là encore, avec une lecture rapide, qui s'opposerait à la sanction de ces mauvais comportements ? Mais le diable se cache dans les détails.

Le retour des théories du « contrôle mental »

La « sujétion psychologique » est un synonyme de ce qu’on appelle habituellement « manipulation mentale », « contrôle mental », ou encore « lavage de cerveau ». Cela apparaît clairement à la lecture de « l’étude d’impact » du gouvernement français, qui tente de justifier à grand-peine la nécessité d'une nouvelle législation. Ces concepts vagues, lorsqu'il sont appliqués au droit pénal et aux mouvements religieux, ont finalement été débusqués comme pseudo-scientifiques dans la plupart des pays où ils avaient été utilisés, à l’exception de certains pays totalitaires comme la Russie et la Chine. Aux États-Unis, le concept de « contrôle mental » utilisé dans les années 1950 par la CIA pour tenter d'expliquer pourquoi certains de ses soldats développaient de la sympathie pour leurs ennemis communistes, a commencé à être appliqué par certains psychiatres aux nouveaux mouvements religieux dans les années 80. Un groupe de travail de psychiatres a été créé pour travailler sur les « méthodes trompeuses et indirectes de persuasion et de contrôle » des religions minoritaires et a présenté un « rapport » à l'American Psychological Association en 1987. La réponse officielle du conseil d'éthique de l'American Psychological Association était dévastatrice. En mai 1987, il a rejeté la notion de « persuasion coercitive » des auteurs, déclarant qu'« en général, le rapport manque de la rigueur scientifique et de l'approche critique impartiale nécessaires pour obtenir l'imprimatur de l'APA », et ajoutant que les auteurs du rapport ne devraient jamais rendre public leur rapport. sans indiquer qu'il était « inacceptable pour le conseil ».

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La réponse APA aux théories du contrôle mental

Juste après cela, l’American Psychological Association et l’American Sociological Association ont soumis un mémoire d’amicus curiae à la Cour suprême des États-Unis dans lequel elles affirmaient que la théorie du lavage de cerveau par les sectes n'était pas généralement reconnue comme ayant une valeur scientifique. Ce mémoire soutient que la théorie lavage de cerveau n'offrait pas une méthode scientifiquement acceptable pour déterminer quand l’influence sociale submerge le libre arbitre et quand ce n'est pas le cas. Par la suite, les tribunaux américains ont estimé à plusieurs reprises que le poids de la preuve scientifique établissait que la théorie du lavage de cerveau n’était pas acceptée par la communauté scientifique.

Mais la France (ou du moins les fonctionnaires français qui ont rédigé la loi, mais aussi le gouvernement qui l’a approuvée) ne se soucie pas vraiment de l’exactitude scientifique.

L’Italie et la loi « Plagio »

Une loi similaire à celle proposée dans le projet de loi français a en effet existé en Italie entre 1930 et 1981. Il s'agissait d'une loi fasciste appelée « plagio » (qui signifie « manipulation mentale » en italien), qui a introduit la disposition suivante dans le Code pénal : « Quiconque soumet une personne à son propre pouvoir, afin de la réduire à un état de sujétion, est puni d'un emprisonnement de cinq à quinze ans ». Ce qui est exactement le même concept que celui contenu dans l'article 1 du projet de loi français.

La loi Plagio est devenue célèbre lorsqu'elle a été utilisée contre un philosophe marxiste homosexuel bien connu, Aldo Braibanti, qui avait accueilli chez lui deux jeunes hommes pour lui servir de secrétaires. Selon l'accusation, il les aurait amenés à un état d'asservissement psychologique dans le but d'en faire ses amants. En 1968, Braibanti a été reconnu coupable de « plagio » par la Cour d'assises de Rome et condamné à 9 ans de prison. En dernier ressort, la Cour suprême (allant même au-delà des décisions des tribunaux inférieurs) a qualifié le « plagio » de Braibanti comme une « situation dans laquelle le psychisme de la personne contrainte était vidé. Cela a été possible même sans recourir à la violence physique ou à l’administration de médicaments pathogènes, grâce à l’effet combiné de divers moyens, dont chacun aurait pu ne pas être efficace, mais qui le sont devenus lorsqu'ils sont combinés ensemble ». A la suite à cette condamnation, des intellectuels comme Alberto Moravia et Umberto Eco, ainsi qu’un grand nombre d’avocats et de psychiatres de renom, ont demandé l’abolition de la loi sur le « plagio ».

Bien que la condamnation n'ait jamais été annulée, elle a suscité des débats en Italie pendant des années. La critique de la loi étaient de deux ordres. La première était d’ordre scientifique : la plupart des psychiatres italiens estimaient que le « plagio » au sens de « sujétion psychologique » n’existait pas, et d’autres soutenaient qu'en tout état de cause, elle était trop vague et indéterminée pour être utilisée en droit pénal. Le deuxième type de critiques était d'ordre politique, les critiques affirmant que le « plagio » permettait une discrimination idéologique, comme dans le cas de Braibanti qui fut condamné en raison d'un point de vue manifestement homophobe, parce qu'il promouvait un « style de vie immoral ».

Dix ans plus tard, en 1978, la loi fut alors appliquée pour poursuivre un prêtre catholique, le père Emilio Grasso, accusé d'avoir pratiqué le « contrôle mental » sur ses fidèles. Emilio Grasso, dirigeant d'une communauté catholique charismatique en Italie, était accusé d'avoir soumis ses fidèles à une sujétion psychologique pour les obliger à travailler comme missionnaires à plein temps ou comme bénévoles pour des activités caritatives en Italie et à l'étranger. À Rome, le tribunal chargé d'examiner l'affaire souleva la question de la constitutionnalité du délit de « plagio » et a renvoyé l'affaire devant la Cour constitutionnelle italienne.

Le 8 juin 1981, la Cour constitutionnelle déclara le délit de plagio inconstitutionnel. Selon l'arrêt de la Cour, d'apèrs la littérature scientifique sur le sujet, qu'elle provienne de « la psychiatrie, de la psychologie ou de la psychanalyse », l'influence ou la « sujétion psychologique » est un élément « normale » des relations entre les êtres humains : « les situations typiques de dépendance psychologique peuvent atteindre des degrés d'intensité même pendant de longues périodes, comme la relation amoureuse, et les relations entre prêtre et croyant, professeur et élève, médecin et patient (…). Mais en pratique, il est extrêmement difficile, voire impossible, de distinguer, dans de telles situations, la persuasion psychologique de l'assujettissement psychologique, et de les différencier à des fins juridiques. Il n’existe pas de critères solides permettant de séparer et de définir chaque activité, de tracer une frontière précise entre les deux. La Cour a ajouté que le délit de plagio était « une bombe sur le point d’exploser dans notre système juridique, car il peut s'appliquer à toute situation impliquant la dépendance psychologique d’un être humain vis à vis d’un autre ».

C'était la fin de l'assujettissement psychologique en Italie, mais apparemment, ce n'est pas suffisant pas empêcher le gouvernement français de revenir aujourd'hui avec le même concept fasciste.

Qui peut être touché ?

Comme l'a déclaré la Cour constitutionnelle italienne, ce concept « peut s'appliquer à toute situation qui implique la dépendance psychologique d'un être humain à l'égard d'un autre ». Et c'est certainement le cas pour tout groupe religieux ou spirituel, quelle que soit sa confession, surtout s'il fait l'objet d'une hostilité sociale ou gouvernementale. L'évaluation de l'effet perturbateur d'une telle « sujétion psychologique » devra être confiée à des experts psychiatres, qui devront se prononcer sur la caractérisation d'un concept qui n'a pas de base scientifique établie.

Tout prêtre pourrait être accusé de maintenir les fidèles dans un état de « sujétion psychologique », tout comme un professeur de yoga ou un rabbin. Comme nous l'a confié un avocat français à propos du projet de loi : « Il est facile de caractériser des pressions graves ou répétées : ordres répétés donnés par un employeur, un entraîneur sportif, voire un supérieur de l'armée ; une injonction à prier ou à se confesser, peuvent facilement être qualifiés ainsi. Les techniques d'altération du jugement sont d'usage quotidien dans les sociétés humaines : la séduction, la rhétorique et le marketing sont autant de techniques d'altération du jugement. Schopenhauer aurait-il pu publier "L'Art d'avoir toujours raison" sans être accusé de complicité dans le délit en question ? Les atteintes graves à la santé physique ou mentale sont également plus faciles à caractériser qu’il n’y paraît à première vue. Par exemple, à l'approche des Jeux Olympiques, un athlète de haut niveau soumis à des pressions répétées pourrait voir sa santé physique se détériorer, comme en cas de blessure. Un acte ou une abstention gravement préjudiciable recouvre un large éventail de comportements. Un soldat de l’armée, soumis à des pressions répétées, sera poussé à des actions qui pourraient lui être gravement préjudiciables, même dans un contexte d’entraînement militaire. »

Bien entendu, une condamnation fondée sur un concept juridique aussi vague pourrait conduire à une condamnation définitive de la France par la Cour européenne des droits de l'homme. En effet, dans son arrêt "Témoins de Jéhovah de Moscou et autres c. Russie n°302", la Cour a déjà abordé le sujet de la « manipulation mentale » : « Il n'existe pas de définition scientifique et généralement acceptée de ce qui constitue la « manipulation mentale » ». Mais même si tel était le cas, combien de personnes seront condamnées à tort à des peines de prison avant que la première décision de la CEDH n'intervienne ?

La provocation à l’abandon du traitement médical

Le projet de loi contient d'autres dispositions controversées. L'une d'elles se trouve dans son article 4, qui vise à incriminer « la provocation à abandonner ou à s'abstenir de suivre un traitement médical thérapeutique ou prophylactique, lorsque cet abandon ou cette abstention est présentée comme bénéfique pour la santé des personnes visées alors qu’il est, en l’état des connaissances médicales, manifestement susceptible d’entraîner pour elles, compte tenu de la pathologie dont elles sont atteintes, des conséquences graves pour leur santé physique ou psychique. »

Dans le contexte post-pandémique, tout le monde pense bien sûr aux personnes qui préconisent de ne pas se faire vacciner et au défi que cela représente pour les gouvernements qui poussent à la vaccination. Mais comme la loi s’appliquerait à toute personne « provoquant » de manière générale sur les réseaux sociaux ou dans la presse écrite, le danger d’une telle disposition est plus large. Le Conseil d'État français a d'ailleurs rendu un avis sur cette disposition le 9 novembre :

« Le Conseil d’État rappelle en deuxième lieu que lorsque les faits incriminés résultent d’un discours général et impersonnel, par exemple tenus sur un blog ou un réseau social, si l’objectif de protection de la santé, découlant du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, peut justifier des limitations à la liberté d’expression (cf. décision n° XNUMX-XNUMX DC du XNUMX juillet XNUMX du Conseil constitutionnel), il convient de garantir un équilibre entre ces droits constitutionnels, afin, notamment, de ne pas remettre en cause, par une incrimination de contestations de l’état actuel des pratiques thérapeutiques, la liberté des débats scientifiques et le rôle des lanceurs d’alerte. »

Finalement, le Conseil d'État français a conseillé de retirer cette disposition du projet de loi. Mais le gouvernement français n'en a eu cure.

Les associations anti-sectes ont le vent en poupe

Le projet de loi, qui semble en fait être le résultat d'un lobbying important auprès des associations anti-sectes françaises appartenant à la FECRIS (Fédération européenne des centres de recherche et d'information sur les sectes), ne les a pas laissées sans compensation. Grâce à l'article 3 de la loi, les associations anti-sectes pourront légitimement se porter partie civile dans des affaires de « dérives sectaires », même si elles n'ont personnellement subi aucun préjudice. Il leur suffira d’un « agrément » du ministère de la Justice.

En effet, l'étude d'impact jointe au projet de loi, nomme les associations qui sont censées bénéficier de cet accord. Ils sont tous connus pour être exclusivement financés par l’État français (ce qui en fait des « Gongos », terme inventé pour moquer les prétendues organisations non gouvernementales qui sont en fait des « organisations gouvernementales-non gouvernementales ») et pour cibler presque exclusivement les minorités religieuses. Avec cet article, nul doute qu'ils satureront les services judiciaires de plaintes pénales intempestives contre des mouvements qu'ils désapprouvent, en l'occurrence des minorités religieuses. Bien entendu, cela mettrait en péril le droit à un procès équitable des minorités religieuses en France.

Il est également intéressant de noter que plusieurs de ces associations appartiennent à la FECRIS, une fédération dont le European Times a révélé qu'elle était à l'origine de la propagande russe contre l'Ukraine, accusant des « sectes » d'être à l'origine du régime « nazi cannibale » du président Zelenski. Vous pouvez consulter les articles sur la FECRIS ici..

La loi sur les dérives sectaires sera-t-elle votée ?

Malheureusement, la France a une longue histoire de dérives en matière de liberté de religion ou de conviction. Alors que sa Constitution prône le respect de toutes les religions et de la liberté de conscience et de religion, c'est le pays où les symboles religieux sont interdits à l'école, où les avocats n'ont pas le droit de porter de symboles religieux lorsqu'ils entrent dans les tribunaux, où de nombreuses minorités religieuses ont faot l'objet de discriminations en tant que « sectes » pendant des décennies, et ainsi de suite.

Il est donc peu probable que les parlementaires français, qui ne s'intéressent généralement pas aux questions de liberté de religion ou de conviction, comprennent le danger qu'une telle loi représenterait pour les croyants, et même pour les non-croyants. Mais qui sait ? Les miracles arrivent, même au pays de Voltaire. Espérons-le.

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